C’est une exception en Italie. Bologne est la première ville à avoir imposé une limitation intégrale de sa vitesse à 30 km/h. Mesure choquante pour le pays, surtout pour son gouvernement central, qui tente de défendre une mentalité conservatrice libertaire sur la route.
En 2022, 9 personnes mouraient encore chaque jour sur les routes italiennes (à peine un peu moins qu’en France au même moment). Sachant que 70% des accidents ont lieu en ville, le moteur bolognais a décidé de mettre un grand coup de frein il y a quelques années. Dès 2019, le plan durable du Grand Bologne imaginait de faire ralentir tous les transports sur ses routes. Candidat, puis maire élu, Matteo Lepore s’est engagé à l’appliquer : aujourd’hui, on roule à 30 km/h dans toute la ville.
Depuis juillet dernier, le nouveau plan routier se développe sur quatre axes :
- La nouvelle carte des rues de la ville, avec leur nouvelle signalisation ;
- La diffusion de contenus éducatifs et pédagogiques, en ville et dans les écoles ;
- L’installation de postes de contrôles ;
- La transformation physique, progressive, de l’espace routier.
Les premières statistiques sont à l’étude, quelques mois après le lancement de la mesure. Si les chiffres sont encore trop frais, ils vont sans l’ombre d’un doute dans le bon sens, comme s’en est enthousiasmé la conseillère municipale Valentina Orioli, lors du colloque Ville Prudente au Sénat parisien, le 13 avril. Sécurité, équilibre dans l’espace routier, urbanisme mieux partagé, qualité de l’air et diminution du bruit, moins de blessés et d’accidents : sur le papier, c’est une réussite.
Mesure plébiscitée, accueil parfait ?
Pourtant, quand on lui demande comment les habitants de Bologne ont accueilli la limitation de vitesse généralisée, la conseillère rit. « C’était une demande citoyenne, au départ ! » Un comité citoyen s’est formé en 2021, pour exiger une ville à 30 km/h. Demande entendue par la mairie, et appliquée par la suite. « Les gens réclamaient plus de sécurité dans les rues depuis longtemps. Le problème, c’est que ceux qui ne sont pas d’accord avec la mesure sont ceux qui se font entendre le plus fort aujourd’hui… ».
Les mécontents manifestent régulièrement à Bologne pour se plaindre que la mesure limite leur liberté de mouvement. Or, leur colère sert le gouvernement central (extrême droite), qui s’oppose d’une part aux décisions de la ville par jeu politique (Bologne est historiquement à gauche). D’autre part, ce même gouvernement fait campagne au niveau national en faveur de la vitesse. Il pourrait même modifier le code de la route en Italie dans les prochains mois, pour débrider à nouveau les envolées des compteurs, au nom de la liberté individuelle en voiture.
Mobilités douces, ville plus sociale
En attendant, la mairie de Bologne défend fièrement sa mesure et répond à ses détracteurs locaux : « patience ! Habituez-vous, les résultats se ressentiront bientôt ».
Il ne s’agit pas de limiter, freiner, mais « de repenser le sens de la ville », selon Mme Orioli. Repenser aussi le sens des mots : à Bologne, on ne parle pas de « mobilité douce », mais de « mobilité active ». Et cela fait une différence ! « Les piétons, les vélos sont les actifs, c’est ça le sens de la ville 30. C’est une vision de la ville plus lente, qui fait la place à une vie sociale et donc très active. » Le grand chantier urbain a réuni 1 milliard d’euros de fonds européens pour redessiner la commune. Avec notamment 2 nouvelles lignes de tramway en construction, et un agrandissement du réseau de pistes cyclables (déjà assez conséquentes aujourd’hui).