Les radars pédagogique sont-ils vraiment efficaces ?

Les radars pédagogiques sont aujourd’hui quasiment incontournables parmi les équipements de sécurité routière… Sont-ils vraiment efficaces ?


Bon nombre d’automobilistes se sont fais une frayeur en passant à côté de ces panneaux lumineux leur indiquant que leur vitesse est trop élevée. Ou bien au contraire, se sont fais encourager pour leur respect des limitations. Toutefois, ce mystérieux affichage a piqué votre curiosité et vous souhaiter comprendre son fonctionnement… On vous explique tout, de leur création à leurs limites en passant par leur implantation et fonctionnement.

Mais, qu’est-ce qu’un radar pédagogique ?

D’après Christophe Ramond, directeur des études de recherche de l’Association Prévention Routière

“C’est un équipement fixe implanté en bord de chaussée qui indique de façon instantanée et individualisée aux usagers (automobilistes, motards…) la vitesse à laquelle ils circulent aux abords du dispositif et/ou un message d’alerte si leur vitesse dépasse celle autorisée avec l’intention que les véhicules modèrent leur allure.”

En d’autres termes c’est un outil préventif qui a pour fonction d’avertir les usagers sur leur vitesse et annoncer un potentiel danger dans la zone où il est situé. Toutefois, il ne sanctionne pas les excès mais enregistre les vitesses afin de servir de données pour les agents municipaux, la gendarmerie et la police.

Pour l’histoire :

des radars répressifs…

Dans la lutte contre l’insécurité routière, l’état a mis en place au fil des années des dispositifs afin de contrôler la conduite des automobilistes et sanctionner les comportements dangereux, que ce soit par l’action de la gendarmerie ou de la police Nationale ou encore par l’installation de systèmes de surveillance automatisés.

Plus récemment, les communes ont également renforcé ces contrôles grâce à l’action de leurs Polices Municipales, l’utilisation de la vidéosurveillance à l’échelle communale et l’acquisition de moyens de contrôle.

Depuis la parution de la loi 3DS le 22 février 2022 (différenciation, décentralisation, déconcentration et diverses mesures de simplification de l’action publique locale) les communes ont dorénavant la possibilité (sur avis favorable du préfet et consultation de la commission départementale de la sécurité routière) d’installer elles-mêmes des radars de vitesse automatiques sur leur réseau pour sanctionner les conducteurs infractionnistes.

Toutefois, le financement des appareils et un éventuel reversement des amendes à la commune posent toujours question.

La multiplication des contrôles répressifs créée de nombreuses polémiques au sein des usagers et certains élus estiment que la prolifération du nombre de radars à atteint ses limites en termes de sécurité routière et qu’il faut explorer également d’autres voies pour continuer à faire diminuer le nombre de tués/blessés sur la route.

…Aux radars pédagogiques

Gif-sur-Yvette Ville prudente 5 cœurs

Popularisés par le gouvernement français qui avait annoncé en juillet 2011 leur mise en place en amont de radars répressifs afin de les rendre plus acceptable par les automobilistes, les radars pédagogiques sont devenus des équipements très fréquents sur nos routes et dans nos rues.

Même s’ils opèrent d’une façon similaire aux radars de police (effet Doppler), ils ne sont pas destinés à sanctionner les excès, mais à sensibiliser les usagers sur leur vitesse pratiquée. Les communes les utilisent également pour répondre à la demande de riverains ou d’élus inquiets en matière de sécurité routière, ou pour mieux connaitre les vitesses et le trafic dans certaines rues grâce aux enregistrements. Ils sont parfois même à l’origine de réaménagements décidés par la commune.

“Il faut tout de même savoir que ce type d’équipement peut s’avérer coûteux. En réalité ce n’est pas le radar pédagogique qui occasionne des coûts élevés, mais plutôt son alimentation qui selon l’emplacement peut être fastidieuse à installer”

Christophe Ramond

La pédagogie efficace ?

Quand on remplace la répression par la prévention, il est juste de s’interroger quant à l’efficacité de ces radars pédagogiques. Est-il réellement judicieux d’installer ces dispositifs lorsqu’on dispose d’outils de sanction efficients ?

Il faut tout d’abord savoir qu’en 2017, 880 radars pédagogiques étaient recensés dans les villes de France selon le CETE Normandie. Il existe également toute une panoplie d’aménagements qui permettent de modérer efficacement les vitesses. On pourrait légitimement douter de l’effet à long terme d’un tel équipement (les usagers s’habituent et reprennent leurs “mauvaises habitudes”) voire même craindre l’apparition de comportements déviants incitant certains usagers à accélérer. (défi, concours…)

En réalité, leur efficacité a déjà pu être évaluée dès 2011 peu après leur première mise en place et les résultats étaient assez encourageants. En effet, les radars pédagogiques ont fait chuter la vitesse moyenne de 4% à 12% dans la zone considérée soit environ une baisse absolue de 2 à 6km/h. On notera aussi que le nombre d’automobilistes en excès de vitesse diminue de 4% à 30%.

Cela laisse espérer une baisse du risque d’accident de 8 à 24% dans ces zones

estime Christophe Ramond, directeur des études de recherche de l’Association Prévention Routière.

Des vitesses de conduite plus faibles ont également des effets sur la qualité de vie dans ces quartiers, en limitant les émissions de gaz polluants et le niveau sonore des véhicules”

Toutes ces informations sont disponibles dans cette étude mené par le CETE Normandie Centre.

Le réel potentiel

Ville Prudente de Bures-sur-Yvette

L’efficacité maximale d’un radar pédagogique repose sur son côté novateur qui peut créer la surprise et l’interrogation d’une bonne partie des conducteurs qui ne préfèreront pas prendre de risques et respecteront les limitations.

Pour optimiser cet effet, il peut être nécessaire de changer régulièrement son emplacement. De cette manière les usagers garderont une vigilance accrue dans les différents lieux sensibles de la ville et ne prendront pas l’habitude d’un emplacement défini.

Car bien souvent, les accidents ont lieu dans les zones où les automobilistes sont le plus habitués à conduire. Manque de vigilance, augmentation de la confiance, petits excès de vitesse… Beaucoup d’accidents surviennent lors des trajets au quotidien.

En présence de radars pédagogiques changeant fréquemment d’emplacements, cela rappelle au conducteur qu’il doit être vigilant au quotidien et que ses habitudes de circulation concernent des zones accidentogènes.. Le radar pédagogique vient alors jouer le rôle d’une signalisation indiquant aux conducteurs que la prudence est de mise sur toute la ville.

De plus, il est apprécié des riverains qui n’ont parfois pas conscience de leurs petits excès de vitesse ou qui manquent d’attention dans les zones sensibles alors qu’ils n’ont pas l’intention de commettre une infraction. Car au lieu de punir la vitesse et faire ressentir l’impression d’avoir été piégé, les automobilistes pourront se rendre compte par eux-mêmes de leur manque d’attention et pourront donc réadapter leur conduite au profit d’un trafic plus sécurisé.

Le bilan

Avant d’investir dans un radar pédagogique, il faut savoir préparer son installation. En effet la Ville Prudente de Morestel en a fait l’expérience :

“Au début ça surprend, ça crée l’interrogation et les conducteurs ont tendance à ralentir aux abords du radar…”

explique Estelle Keller, adjointe à la culture et à la communication. Néanmoins, comme évoquée précédemment, l’habitude peut prendre le pas sur la surprise.

“Le maire avait préparé l’installation de plusieurs radars en étudiant les zones les plus dangereuses. L’objectif était de pouvoir changer leurs emplacements pour garder l’effet de surprise. Au fil du temps l’entretien de ces radars pédagogiques demandait un gros investissement, et le maire a préféré les laisser à des emplacements précis. Mais les automobilistes s’habituent et ralentissent de moins en moins car ils comprennent qu’aucune sanction ne sera prise. Il y en a un installé dans ma rue, pourtant je n’ai pas l’impression que les gens ralentissent.”

Selon elle, les limites du radar pédagogique voient le jour lorsque les habitants en ont compris le système et qu’il n’est pas accompagné d’aménagements qui ont également pour but de faire diminuer la vitesse.

“Si vous ne déplacez pas le radar régulièrement, il y a de fortes chances que son efficacité baisse dans la durée, a fortiori auprès des usagers qui ont pour habitude d’emprunter ces zones. Ajouté à cela le manque de discernement de certains conducteurs quant à l’allure de leur véhicule et le dispositif peut vite perdre son utilité”

Alors, afin d’éviter que ce dispositif devienne obsolète, la ville doit d’abord anticiper ces risques d’accoutumance.

“Le radar pédagogique est un bon équipement s’il est pensé et réfléchi à l’aide d’autres infrastructures comme des ralentisseurs ou des chicanes. Il reste un affichage au même titre qu’un panneau, il faut donc accompagner sa fonction préventive par du mobilier urbain. Idem pour les zones 30 qui ne sont respectées que lorsque les infrastructures qui les accompagnent sont au point.”

Néanmoins, d’après Estelle Keller le radar pédagogique pourrait être amélioré dans son fonctionnement, qui peut être parfois trop indirect face à des automobilistes qui manquent souvent de lucidité quant aux risques auxquels ils peuvent faire face.

“Cumulé avec des sanctions même minimes selon les cas, ne serait-ce qu’une lettre d’avertissement pour un infractionniste récidiviste, le dispositif pourrait gagner en efficacité. Le problème est que lorsqu’un conducteur comprend qu’il s’agit d’un simple affichage, et qu’il ne recevra ni amende ni perte de points sur le permis, il aura tendance à le négliger. Pourtant, ces dispositifs sont installés dans des zones plus accidentogènes, d’où l’importance d’étudier le terrain pour les rendre encore plus efficaces.

Comme toutes infrastructures visant à renforcer la sécurité routière, il faut savoir préparer le terrain en amont pour exploiter son plein potentiel. Un radar pédagogique ne peut pas travailler de manière isoler, il doit faire partie d’un groupe d’aménagements qui ont pour but d’accompagner son utilisation.