Pas facile d’imposer des vitesses lentes dans une capitale européenne où règne la culture de la voiture payée par l’entreprise. Tout se fait en solo, chacun son véhicule – et motorisé de préférence. Pourtant, à grands coups de campagnes sur la sécurité routière, la ville a fait sa transition vers les mobilités dites « douces » et la vitesse à 30.
Il manque des chiffres européens pour comparer nos biceps. C’était la remarque d’entrée de Graziella Jost, membre du Conseil européen de la Sécurité routière, au colloque Ville Prudente du 13 avril 2024. Pas d’observatoire européen à ce jour sur la prévention routière, difficile de savoir qui a fait quoi. Dommage, car on passe à côté de réussites comme celle de Bruxelles, qui vaut la peine qu’on la communique. C’est d’ailleurs le pilier de son succès : une communication massive.
Une ville « très voiture »
« On partait de loin ! ». Pour Graziella Jost, avoir fait descendre la vitesse à 30 km/h dans la quasi-totalité de la ville relève presque de l’exploit. Il reste quelques rues à 50 km/h et, de l’autre côté du spectre, des rues scolaires abaissées à 10 km/h (elles deviennent piétonnes ou rues barrées en ouverture et sortie d’école). Mais l’ensemble est maintenant régulé à 30, « alors qu’on a des autoroutes jusque dans le centre ».
Capitale européenne, centre politique et centre d’affaires, une ville comme Bruxelles porte en elle la culture de la voiture de fonction, du transport individuel comme une évidence. Essence et véhicules financés par l’entreprise, « forcément, les gens s’habituent à prendre la voiture partout, et pour tout. Même pour des déplacements qui pourraient être faits à pied ou en vélo », insiste la conseillère. Une conception de la ville tellement répandue que les commerçants bruxellois estiment encore aujourd’hui que 70% de leurs clients viennent chez eux en voiture. Or, le chiffre réel est plutôt de 30%.
Et pourtant… « Si on a réussi, c’est que c’est faisable ! ».
Campagne de publicité massive
On ne change pas les mentalités en une nuit et quelques coups de signalétique. Mais s’il fallait attendre que les mentalités évoluent pour faire changer la ville, rien ne bougerait jamais. C’est le pari pris par la Mairie bruxelloise, en choisissant de communiquer en amont sur les bénéfices des changements à venir. Flyers dans les boîtes aux lettres, affiches dans les rues, tournée des écoles : les messages étaient faciles à comprendre, leur impact s’est vite ressenti.
Un exemple : une campagne comparait les dégâts entre une chute d’immeuble et un accident de voiture.
- À 30 km/h, c’est comme chuter du 1er étage ;
- À 50 km/h, on chute du 3ème ;
- À 70 km/h, on chute du 6ème.
Message clair et efficace visuellement. « On a senti que ça changeait l’acceptabilité ».
Message aux communes d’Europe : n’attendez pas
Après le matraquage, les changements de signalisation. Pour l’infrastructure, il faudra compter encore quelques années, les nouveaux plans, les travaux, la mise en œuvre… Mais la réglementation est là et elle s’applique. C’est la leçon que souhaite transmettre la capitale belge. « N’attendez pas », martèle Gabriella Jost.
Et de rappeler également l’importance du « cadre réglementaire national, pour autoriser les communes à faire leurs choix et protéger leurs habitants. Certaines villes qui n’ont pas cette liberté ont tout juste le droit de faire ralentir la circulation autour des Ehpads ou des zones de danger avéré. Il faut que ça change, vite. »
Si les mesures ne passeront pas par la Commission européenne (non compétente en la matière), Bruxelles confirme que le leadership vient aujourd’hui des villes et villages, premiers sur la sécurité routière.